Les systèmes anti-drones en France
L’utilisation de plus en plus importante des drones entraîne une multitude de possibilités mais également des actes malveillants (survol de zones non autorisées, tentatives d’intrusion dans un périmètre interdit, etc.). Face à ces délits, les acteurs (responsables politiques/d’OIV) se tournent vers des solutions anti-drones.
Des comportements et survols qui inquiètent
Le nombre de drones et de télépilotes est de plus en plus important en France (plus de 2 millions de drones).
Pour ordonner cette utilisation croissante, la réglementation européenne et française sur l’utilisation des drones est de plus en plus stricte (cf. les guides catégorie ouverte et spécifique, depuis 2021 la réglementation a changé, il y a maintenant deux catégories de vols qui représentent un niveau de risque, que l’on soit professionnel ou amateur). Celle-ci comprend par exemple dans la « catégorie ouverte » : l’interdiction en agglomération de faire des prises de vues depuis l’espace public, une multitude de zones sont également réglementées ou interdites comme les sites sensibles.
Les drones de plus de 800 grammes doivent également être équipés d’un signalement électronique correctement paramétré et activé. Les « professionnels » (qui ont passé le CATT, la formation pratique et rédigé des documents comme le MAPEX) doivent suivre une procédure stricte pour pouvoir réaliser leur vol en catégorie spécifique (comme par exemple la déclaration du vol sur Alpha Tango et s’assurer de la protection des biens et des personnes).
Malgré les textes et guides disponibles, un grand nombre d’utilisateurs ne se renseigne pas, ne connaît pas la réglementation et commet des infractions, voire des délits. On peut rappeler depuis le début d’année 2022 les faits divers suivants : Drone intercepté lors du carnaval de Menton, survol illégal à Paris, survol illégal lors du concert de Metallica durant le Hellfest 2022.
A côté de cela, les drones ont également été pris d’assaut par les voyous pour mener des actes malveillants (notamment l’introduction d’éléments dans un périmètre interdit, repérage, etc.).
Malgré ces éléments, les contrôles sont difficiles, faute de moyens de détection, notamment pour les vols de loisirs. D’autre part, la neutralisation des drones non autorisés reste sous l’autorité des forces de l’ordre.
Des systèmes anti-drones qui continuent d’arriver à grand pas au sein des services de l’État grâce à diverses entreprises spécialisées
En début d’année 2022, le ministère chargé des transports a montré son intérêt pour les solutions de détection de drones et services associés à travers un « appel à manifestation d’intérêt ». Cela a permis à l’État de réaliser une veille technique pour de futurs achats et d’avoir une meilleure connaissance des offres des fournisseurs potentiels sur le marché en question.
L’administration pénitentiaire a également lancé en 2021 un marché portant sur la « détection, caractérisation et neutralisation des drones (DCND) ». Ce marché prévoit d’équiper plusieurs prisons françaises. Il a été remporté par les sociétés Cerbair et Keas. Cela fait déjà plusieurs années que l’administration pénitentiaire a conscience des problèmes liés aux drones (repérages, livraison de produits illicites comme la drogue/téléphones portables aux détenus) et qu’elle s’équipe pour y faire face (de nombreuses prisons étant déjà équipées).
La DGA (Direction Générale de l’Armement) a également notifié, début 2022, le consortium choisi pour la réalisation et le déploiement de la capacité de lutte anti-drones PARADE (Programme de protection déployAble modulaiRe Anti-DronEs) qui doit durer 11 ans pour un montant global de 350 millions d’euros…
Pour rappel, suite à l’évolution des menaces par drones (notamment suite à plusieurs survols de centrales nucléaires entre 2014 et 2015), le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale a lancé l’idée d’un système d’identification de drones coopératifs, ce qui a amené à la loi « drones » de 2016 et à l’obligation d’un dispositif d’identification pour les drones de plus de 800 grammes.
De nombreux acteurs français développent et mettent en oeuvre des solutions pour détecter et rendre inopérants les drones qui effectuent des survols illégaux et/ou malveillants.
Créée en 2014 et basée au Havre, DroneXTR est spécialisée dans la détection de drones et la gestion de l’espace aérien. Elle a notamment réalisé, en 2015, une installation de sa solution dans la centrale Nucléaire de Paluel. Plus récemment, entre septembre 2021 et février 2022, elle a recensé le nombre d’appareils circulant sur la zone industrialo-portuaire du Havre (16 sites SEVESO seuil haut, périmètre P28 soumis à accord pour tout survol professionnel et totalement interdit pour le loisir, etc) et détecté 1288 vols dont seulement 134 étaient autorisés…
Créée en 2015, Air Space est une start-up française spécialisée dans la gestion du trafic aérien basse altitude (Unmanned Air Traffic Management). Elle travaille actuellement sur un projet pilote avec Eurocontrol pour comprendre et mesurer la densité du trafic UAS (Unmaned Aircraft System) réel ainsi que le comportement des opérateurs (télépilotes) en zone suburbaine. Elle développe également le traceur EITS (système électronique d’identification et de suivi des aéronefs en temps-réel adaptés aux drones) et s’est fait rapidement connaître des télépilotes grâce à son application Flyby qui permet d’aider à la préparation de missions drone (guide dans la réglementation, donne les contraintes géographiques, gestion des dossiers de vol, etc).
Créée au début des années 90 et basée dans la région de Nîmes, Exavision crée, produit et qualifie des solutions optroniques destinées à des environnements très difficiles. Cette société a notamment, dans le cadre de la lutte anti-drone, réalisé une preuve de concept pour une solution modulaire de contre drone multi capteurs (radar, télémètre laser, goniomètre, brouilleur, caméras EO/IR) intitulée NEMOSENS.
MC2 Technologies est une société créée en 2004 par des universitaires lillois et basée à Villeneuve-d’Ascq. Elle développe et conçoit des technologies dans les hyperfréquences et fournit des détecteurs (radars), brouilleurs, caméras passives ou des produits tels que des amplificateurs de puissance.
Dans le cadre de la lutte anti-drone, elle associe une technologie de radar (MATIA) pour détecter les drones à un analyseur HF (MERCAT) pour repérer les ondes des télécommandes de ces drones. Elles proposent également pour les forces armées des moyens de neutralisation. A ce titre elle fournit le RAID.
Cerbair a été créée en 2015 et s’est dès le début concentrée exclusivement sur le développement de solutions de lutte anti-drone.
Sa solution repose sur le tryptique : détection (avec les capteurs HYDRA qui reçoivent, traduisent et analysent le signal HF), la caractérisation (à l’aide d’un logiciel de détection de drone utilisant l’intelligence artificielle et des algorithmes de détection permettant d’afficher sur une interface utilisateur les informations utiles afin de pouvoir prendre la bonne décision) et la neutralisation pour les services autorisés (permettant l’émission d’une interférence EM, un brouillage permmettant de perturber les communications du drone vidée et de forcer son protocole d’urgence à faire un return to home ou vol stationaire par exemple).
Comme évoqué plus haut, Cerbair accompagnée de Keas (startup spécialisée dans la détection et le brouillage) ont remporté le marché de l’administration pénitentiaire début 2022.
CS Group (issue de la Compagnie des Signaux et d’Entreprises Électriques créée en 1902) est une société spécialisée dans la création et la gestion de systèmes critiques dans les domaines de la défense, de la sécurité, de l’espace, de l’aéronautique, des transports, de l’industrie et de l’énergie.
CS Group propose sa solution BOREADES comme solution de lutte anti-drones. Cette solution assure la détection, l’identification, l’évaluation de la menace et la neutralisation des drones. CS Group a également développé un système de commandement et contrôle (C2) en temps réel spécifiquement conçu pour la lutte anti-drones.
Les programmes MILAD (Moyens mobiles de Lutte Anti-Drones) et MILAD (adaptation réactive de lutte anti-drone) utilisent les solutions proposées par CS Group.
Thales que l’on ne présente plus, accompagné de CS Group conduit le consortium d’entreprises en charge de mener à bien le programme PARADE.
PARADE vise à détecter, classifier et neutraliser de manière sécurisée des micro et mini-drones, le tout en assurant la protection des personnes, des biens et des activités que cela soit sur ou en dehors du territoire national pour protéger des infrastructures ou des grands événements dans le respect des lois et règlements nationaux/internationaux. Cette protection sera à 360° sur le site ou le système est déployé, site qui pourra être mobile (route, mer, air)
Ce système ne nécessitera qu’un opérateur et fera appel à l’intelligence artificielle. Il pourra également évoluer dans le temps.
La première utilisation dans le cadre d’un événement très important est prévue lors de la coupe du monde de Rugby 2023 en France !
Thales doit apporter son expérience et savoir-faire dans le commandement et la conduite de défense aérienne, de cybersécurité, dans les performances système de bout en bout et les architectures digitales en tant qu’expert dans l’intégration de systèmes complexes.
CS Group mettra en avant son centre de commandement et de contrôle utilisant l’intelligence artificielle et la fusion des données basé sur des systèmes modulaires, évolutifs, intéropérables et cybersécurisés.
On retrouvera également dans le consortium Cerbair (sur la partie goniomètre), Exavision (sur la partie optronique), MC2 Technologies (pour le brouillage) et l’entreprise néerlandaise Robin (sur la partie radar).
Entreprise créée en 2019, elle est spécialisée dans la conception de systèmes radar à onde continue pour la sécurisation de sites sensibles (notamment les OIV) et complexes comme les centrales nucléaires, les zones portuaires, les barrages, bases aériennes et autres installations militaires…
Cette entreprise a remporté mi-2022 un contrat visant à expérimenter sa solution, le système PSR, dans la détection de drones malveillants. Ce contrat fait partie d’un projet notifié par le cluster d’innovation technique BINGO (Bretagne Innovation Grand Ouest) et piloté par le centre d’expertise et d’essais DGA (Direction Générale de l’Armement). Il s’agit d’un des autres projets lancés en parallèle de PARADE.
Le système PSR à travers sa gamme de radar variée permet déjà de détecter des piétons, véhicules, embarcations nautiques, hélicoptères et autres aéronefs sans oublier les parachutistes. Celui-ci peut être intégré aux plateformes de CS Group, Genetec et Prysm. Le système PSR est déjà utilisé au sein du ministère des Armées.
Hologarde est une entreprise filiale à 100% du groupe ADP, créée en 2017. Hologarde propose la solution du même nom qui est un système de détection et de protection contre les drones incluant la neutralisation. Elle fournit notamment l’armée de l’Air avec le système BASSALT qui consiste en un radar et un système de contrôle de commande. Ce dernier a été utilisé durant le G7 en 2019. L’entreprise Hologarde compte parmi ses partenaires : Thales et Exavision.
L’entreprise CILAS créée en 1966 est actuellement détenue par Lumibird (37%) et MBDA et Safran (63% à eux deux). Elle est spécialisée dans le développement des lasers et des systèmes optroniques notamment pour les armées, le CEA, le spatial et des applications civils. CILAS conçoit le système HELMA-P, laser permettant la destruction de drone. La DGA a notifié le 8 juin 2022 le marché (Laser de lutte anti-drones) à la société CILAS. Ce marché prévoit l’acquisition d’un prototype opérationnel de système laser capable d’identifier, poursuivre et neutraliser les mini et micro drones. Il est prévu de déployer ce prototype aux Jeux Olympiques 2024. Il est également prévu que HELMA-P puisse être interconnecté à un système PARADE…
Des systèmes de détection de drone désormais autorisés dans les entreprises privées
La loi de sécurité globale autorise désormais les entreprises privées à s’équiper de systèmes de détection de drones.
La grande question est : « ces entreprises pourront-elles prochainement mettre en œuvre des systèmes permettant d’influer sur les drones repérés, et d’aller jusqu’à la neutralisation des drones malveillants à l’aide de fusils brouilleurs ou d’autres systèmes ? »…
Sources : CILAS, Hologarde, EPSI, Cerbair, Keas, MC2 Technologies, ASD, dronextr, Thales, CS Group, Exavision, defense.gouv.fr, helicomicro, Les Echos, Ouest France, plateforme des marchés de l’état

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